Talisman
Dans ces expositions, les œuvres sont pensées comme des talismans ou questionnent des croyances. Un talisman est un petit objet qui rassure et protège. Il est souvent gardé sur soi.
Au-delà des soins physiques, l’hôpital reconnaît la dimension émotionnelle de chaque individu. L’art permet notamment de questionner cette intériorité invisible.
Tels des talismans empreints de forces invisibles, les œuvres réunies dans ce parcours semblent révéler un désir commun de sens ou de protection.
Tony Colombe. K, Emmanuel Mbessé, Caroline Schmoll et Léonard Von Muralt emploient des termes liés aux croyances, se réfèrent à certains textes religieux ou créent de nouveaux symboles pour partager leur rapport au monde. C’est comme si les difficultés de notre temps incitaient à aller chercher des remèdes ailleurs.
Depuis toujours, l’art et la spiritualité semblent liés. Les plus anciennes représentations, comme les peintures sur les parois de grottes ou les statuettes anthropomorphes, ont possiblement joué un rôle central dans certaines pratiques rituelles.
À l’inverse, l’art et la science sont souvent perçus comme opposés. Pourtant, ils reposent simplement sur des rapports au monde différents : l’art se nourrit davantage d’émotions et la science de preuves concrètes.
Dans le contexte de la santé, l’art permet parfois de trouver du sens lorsque la science n’a pas de réponse à donner. La musique de Louis Jucker, en résidence à Cery, peut apporter un soutien sensible en période de difficulté. Les images presque immatérielles de Shannon Guerrico, s’inscrivent quant à elles dans un questionnement autour du deuil.
Emma Kunz était considérée comme une guérisseuse, tandis que les autres artistes invité·e·s explorent ce qui, symboliquement, peut nous renforcer.
Comme les jeux de miroir de l’ESPACE CHUV le rappellent, ces points de vue ne proposent pas de réponses toutes faites, la puissance d’une œuvre résidant justement dans les possibilités d’appropriation qu’elle offre à chacune et chacun.
Talisman 1
Tony Colombe. K
Dans les tableaux de Tony Colombe. K, comme dans ses poèmes, certains motifs reviennent de façon récurrente, tels les porte-bonheurs ou autres éléments de protection.
Dans sa série Intransive care, L’artiste vient saisir des moments de soins et d’amour, entre personnes trans, en peignant des parties du corps et en inscrivant des bribes de textes. Certaines formulations utilisées par Tony Colombe. K, comme « archives des sentiments », laissent une empreinte aussi forte que ses œuvres. Cette sensibilité pour les mots, se confirme par une présence régulière du texte dans son travail, un moyen pour réaffirmer un discours engagé. L’artiste met en valeur les traces ou les blessures en vue de célébrer une esthétique de la porosité, un univers où les matières répondent, telle une racine qui « fait péter le béton ». Tony Colombe. K crée de nouvelles mythologies pour pluraliser les imaginaires, hors de la grande histoire binaire.
*Intransigeance à l'égard des soins envers les personnes trans.
Emmanuel Mbessé
La justesse et l’équilibre des formes géométriques proposées par Emmanuel Mbessé, parlent autant du vide qui les entoure que des formes elles-mêmes.
Temple, à la fois une porte ou un passage, ouvre des espaces au-delà de l’œuvre elle-même. Dans cet environnement, elle questionne les représentations de l’hôpital qui historiquement possède des liens avec l’Église, à savoir la notion de confiance parfois absolue. Moïse matins, constituée de deux planches dont la couleur et les formes stylisées font penser à des vagues, évoque une scène biblique : Le passage de la mer Rouge. Chaque matin, l’eau recueillie entre les mains, se sépare pour s’asperger le visage. C’est pour l’artiste, l’évocation de la routine : se lever pour aller travailler, qui demande abnégation. La couleur, posée à la craie grasse, donne un caractère performatif à la démarche artistique, où chaque trait évoque le temps long de la création.
Caroline Schmoll
Caroline Schmoll a la capacité de créer des associations entre différents matériaux, textures et couleurs qui génèrent une poésie qui s’ancre dans le quotidien.
De l’objet fonctionnel impraticable à la sculpture dont le référent est souvent évanescent, l’artiste crée comme de petits autels ou objets rituels. Avec Merci pour les fleurs, les formes irrégulières des contenants et leurs décors produisent comme une musique avec les végétaux et les champignons. De même par magie, Superpouvoirs, une œuvre qui reproduit un fétiche du Mali, appelé « boli », peut entraîner la mort ou informer sur l’avenir. La démarche artistique de l’artiste révèle une sensibilité accrue aux aspérités, à ce qui détonne dans le quotidien ; elle formule une réponse qui vient comme soigner et produire de l’espoir, sans rien promettre.
Léonard Von Muralt
Léonard von Muralt revisite un objet du quotidien et propose de le regarder autrement, notamment dans sa dimension sociale et culturelle.
Lumiar, une planche à découper usée, détournée de sa fonction initiale, devient une archive unique et intime. Bien qu’elle ne livre que peu d’informations sur son passé, elle évoque des instants quotidiens : se préparer à manger et se nourrir – des moments conviviaux ou solitaires. L’or vient révéler une usure, des marques qui racontent aussi une certaine violence. Dans le domaine de l’histoire de l’art, le métal précieux rappelle les icônes russes, peintures sur bois qui représentent des figures saintes du christianisme orthodoxe. Si cette planche à découper évoque le pain, celui-ci dans la culture chrétienne, de la même manière que l’or, évoque le divin.
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Espace CHUV
Bâtiment hospitalier principal
Hall d’entrée
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne
Jusqu’au 26 octobre 2025
Ouvert au public en tout temps
VERNISSAGE
Jeudi 19 juin 2025
à 18h
Talisman 2
Louis Jucker
Espace Cery
Hall principal
Route de Cery 60
1008 Prilly
Jusqu’au 26 octobre 2025
Ouvert au public en tout temps
Talisman 3
Shannon Guerrico
Into the blue
POUR LES GENS PRESSÉS
Les religions et les croyances répondent aussi au besoin de donner du sens à la mort. Shannon Guerrico scanne le ciel à la suite de la mort d’un proche tentant de retenir ce qui échappe au toucher. Inversement, elle dématérialise les images trouvées dans l’appartement de son père décédé : albums de famille et livres d’art. Le paysage central évoque la disparition d’un corps : les cendres jetées à la mer. Une réflexion autour du deuil.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dans les moments d’adversité, les images permettent de poser le regard pour soutenir et orienter les pensées.
Bifröst, qui désigne le pont arc-en-ciel de la mythologie nordique reliant la Terre et le royaume des dieux, est le titre d’une série réalisée en Islande, pays connu pour son syncrétisme religieux. Shannon Guerrico marquée par la disparition d’une personne de son entourage, tourne son regard vers le ciel. Elle place un scanner ouvert face à l’infini à divers moments de la journée. Comme le dit l’artiste : « il en résulte des images tramées, superpositions de couches atmosphériques, mille-feuilles de croyances. » Ce geste permet à la fois d’obtenir des images, mais également d’envoyer un signal lumineux et sonder l’étendue céleste.
Armar esqueleto (Construire un squelette) poursuit cette recherche autour du deuil. Shannon Guerrico se questionne sur sa relation au passé et sur la manière dont se construit une mythologie familiale. À l’aide de différents types de scanners, l’artiste capture des images provenant de l’appartement de son père (albums de famille, livres ou encore des photos réalisées par l’artiste l’année suivant le décès). Les images finiront froissées, presque immatérielles grâce à divers procédés chimiques. Ce travail force Shannon Guerrico à revenir sans cesse sur ces « images-souvenirs » et permet ainsi une forme de digestion. Une façon de prendre le pouvoir sur son héritage et de le transformer.
Au centre de l’installation, A different view, le papier peint fait le lien entre les deux séries. Il évoque un moment en famille avec les cendres paternelles, répandues dans les eaux. Une tentative de rendre tangible ce qui déjà s’efface. Mourir, c’est laisser la place à une nouvelle fantasmagorie, celles des autres. Bien que la mer symbolise une ouverture vers un ailleurs, celui-ci reste impénétrable.
Espace Mercerie
Rue Mercerie 22
1003 Lausanne
Du 19 juin au 26 octobre 2025
Ouvert tous les samedis
de 11h à 14h
Talisman 4 et 5
Focus sur le Centre Emma Kunz
L’expérience visuelle des œuvres d’Emma Kunz rappelle celle d’un kaléidoscope, avec des formes et des couleurs en constante évolution. Créés à l’aide d’un pendule, ces tracés sont des réponses spirituelles. Des motifs qui peuvent évoquer des textiles ou des faisceaux porteurs d’énergie.
Certaines productions du début du 20ème siècle sont marquées par le spiritisme et autres phénomènes paranormaux. Des « médiums » créent des œuvres dans lesquelles s’expriment des esprits ou des forces.
Les dessins d’Emma Kunz s’inscrivent dans ce courant. Les intentions de l’artiste relèvent du domaine de la santé et font écho avec certaines préoccupations : la question du soin (care) est devenue central dans le milieu de l’art, autant du côté des institutions que des artistes.
Rendre visible les dessins d’Emma Kunz dans le cadre du programme VU.CH, l’art à l’hôpital, c’est aussi rappeler l’engagement du CHUV pour une prise en charge holistique des patientes et patients.
Centre Emma Kunz
Bibliothèque universitaire de médecine
CHUV/BiUM
Chemin des Falaises 2
1005 Lausanne
Jusqu’au 26 octobre 2025
Lundi à vendredi de 8h à 22h
Samedi et dimanche de 9h à 21h
Hôtel des patients
Avenue de Sallaz 8
1005 Lausanne
Jusqu’au 26 octobre 2025
Ouvert en tout temps