Pourquoi le flamant rose perd-il sa couleur ?
Le titre fait écho à la complexité et à la subtilité du geste quotidien de se nourrir qui, bien qu’essentiel à la survie, ouvre un vaste champ d'exploration de l’intime, de l’identité et du vivre ensemble.
Les quatre artistes réinventent leurs liens aux aliments en les transformant en matériaux de création et de réflexion.
En partenariat avec foodculture days
Au CHUV à Lausanne, 2,1 millions de repas sont servis chaque année, nécessitant l’intervention de centaines de personnes chaque jour pour assurer la logistique et la production. Cependant, la nourriture ne se résume pas à nourrir le corps, mais relève aussi du social, du sanitaire et de l’écologique.
Quatre artistes interrogent cette thématique, articulée autour de la notion de soin (care ), en utilisant la nourriture non plus comme simples aliments, mais comme matériaux de création, de rencontre et de transformation.
Monika Emmanuelle Kazi, invitée par foodculture days, représente le circuit de l’eau, source de vie, pour penser les relations. Les aliments industriels en porcelaine de Maude Schneider rappellent que les habitudes alimentaires sont une construction liée notamment à l’âge, le genre et le statut social. Grace Gloria Denis valorise le travail invisible des cuisines institutionnelles, avec comme vecteur la mémoire, l’identité culturelle et le travail collectif. Valentin Merle structure l’espace d’exposition en installant des tissus récupérés qu’il a préalablement colorés avec des teintures végétales, convoquant la question de l’impact écologique.
Le plumage du flamant rose est déterminé par son alimentation. Le titre évoque de façon imagée combien la nourriture participe à la construction de l’identité et impacte le territoire. Se nourrir est une préoccupation primordiale pour la survie et le penser sous le prisme du care permet une éthique basée sur l’interdépendance : la nourriture touche à la fois à l’intime (prendre soin de soi), au collectif (prendre soin des autres) et à l’environnement (prendre soin des écosystèmes et des êtres vivants).
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Valentin Merle
Infusion
PERFORMANCE CULINAIRE
POUR LES GENS PRÉSSÉS
Contrairement à un peintre, Valentin Merle ne pose pas la couleur sur la toile, mais la fait pénétrer au cœur des fibres. Il utilise des végétaux, des éléments vivants, pour teindre ses tissus. Et s’il ne représente pas un paysage, ses œuvres reflètent néanmoins un territoire, d’où proviennent ses couleurs. La taille des toiles, qui occupent et divisent l’espace, permettent une forme d’immersion.
L’artiste s’intéresse aux plantes et à leurs multiples utilisations (nourriture, remède, teinture), mais aussi à l’aspect éthique et écologique de leurs usages.
POUR ALLER PLUS LOIN
Des textiles de taille et de couleurs variées, sans châssis ni cadre, mettent en avant la matérialité des œuvres. Accrochées, les toiles structurent l’espace et forment des architectures mouvantes. Certaines transparences invitent à penser les frontières qui définissent la présence des textiles dans les différents domaines de la vie. Le tissu sert à la fabrication d’accessoires, notamment domestiques, nappes, serviettes, et a souvent pour fonction de protéger.
De la récolte de plantes tinctoriales à la réalisation des œuvres, l’étape de la teinture relève du champ lexical du repas : Valentin Merle se retrouve aux fourneaux, il cuit des plantes pour en extraire la couleur dans de grandes casseroles. Il n’est pas question de peinture de paysage, néanmoins les couleurs, liées aux fibres textiles par la teinture, sont le témoignage d’un territoire qui correspond à la provenance des plantes utilisées. La gamme de couleurs peut paraître plus réduite que dans le champ des couleurs de synthèse. Pourtant, chaque plante, bien que de la même famille, donne d’infimes variations d’une même teinte.
En choisissant de produire grâce à un savoir-faire, avec la volonté de favoriser les circuits courts et la récupération, Valentin Merle pense l’artisanat comme un mode de production qui prend soin de l’environnement. De plus, en se référant à la teinturerie en Suisse, qui a connu un vif essor par le passé, il réactualise un pan souvent méconnu de l’histoire régionale. La représentation et la répétition de formes géométriques rappellent le courant minimaliste, mais l’artiste s’en distancie en valorisant le processus de production dans son ensemble. Le geste de l’artiste est inscrit sur la frise, longue bande de papier d’une vingtaine de mètres, qui met en dialogue les différentes œuvres. Quant à la valeur décorative des motifs, elle est là pour elle-même et permet la contemplation.
L’artiste décline l’utilisation des plantes en s’intéressant tantôt à leur pouvoir colorant, tantôt à leur valeur gustative ou curative dans des performances culinaires où les aliments, vecteurs de convivialité, permettent la rencontre. Le titre, « Infusion », rappelle le rôle de l’eau qui transporte certains principes d’un élément à un autre et pose la question de l’ingestion, au sens propre comme au figuré.
Dans le cadre du vernissage, Valentin Merle, en collaboration avec Zahrasadat Hakim, propose une dégustation.
Jeudi 6 février à 18h dans la zone du hall principal du Bâtiment hospitalier
VISITES COMMENTÉES
Un commentaire de l’exposition INFUSION par les chargées du programme VU.CH, l’art à l’hôpital.
Les mardis 4 mars et 6 mai à 12h15 à l’ESPACE CHUV
Les jeudis 10 avril à 12h15 et 5 juin à 12h15 à l’ESPACE CHUV
PROMENADE CRÉATIVE À L’HÔPITAL
PÂKOMUZÉ fête ses 20 ans ! – Une proposition de VU.CH, en partenariat avec le MCBA
Pour fêter ça, les musées ont invité des institutions, associations, artistes et artisan·e·s qui proposent aussi des activités culturelles. Parce que la culture, ce n'est pas qu'au musée !
Du jardin à l'exposition de Valentin Merle, venez découvrir des principes chimiques ludiques : comment les plantes se transforment-elles en encres multicolores ? Une occasion pour visiter des lieux insoupçonnés.
Dimanche 13 avril de 14h à 16h | famille, et lundi 14 avril de 14h à 16h | 6-12 ans, à l’ESPACE CHUV – forum social
Espace CHUV
Bâtiment hospitalier principal
Hall d’entrée
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne
Jusqu’au 8 juin 2025
Ouvert au public en tout temps
VERNISSAGE
Jeudi 20 juin 2024
à 18h
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Grace Gloria Denis
Archives esculentes
POUR LES GENS PRÉSSÉS
Grace Gloria Denis a recueilli des recettes de personnes travaillant dans les cuisines de Cery. Ces recettes proviennent d’un héritage immatériel familial ou culturel et portent en elles, de ce fait, une forme de puissance.
Cette installation valorise le travail souvent invisible des cuisines institutionnelles et montre qu’échanger autour de ses habitudes alimentaires, c’est se raconter. Ces histoires évoquent des souvenirs personnels, mais relèvent aussi de discours socio-politiques plus larges.
POUR ALLER PLUS LOIN
Dans le cadre de sa résidence artistique à Cery, Grace Gloria Denis s’est intéressée à la cuisine comme espace social. Lors des échanges, entre l’artiste et le Service hôtelier de l’hôpital de Cery, la nourriture devient un médium d’identité et de partage.
L’installation murale prend la forme d’un damier blanc et vert. Sur les cases blanches, sont présentées des recettes de cuisine, ainsi que des images d’ingrédients provenant de ces dernières. Tandis que les cases vertes, laissées libres, servent de tableaux noirs et invitent les publics à laisser une recette et une anecdote* ; et fait de cette installation un projet de participation culturelle. Le mur d’exposition devient un espace où s’établit une forme de dialogue continu entre l’institution et les individus qui la constituent et qui la fréquentent.
Des textes, recueillis auprès du personnel de dégagent une mosaïque de fragments autobiographiques, dévoilant un paysage culinaire diasporique : de l’agneau Sri Lankais au Saka saka du Congo, en passant par les Beignets de pommes de terre à la Vosgienne.
Certaines des recettes de cet ensemble ont été intégrées au répertoire des mets de l’hôpital, ce geste marque l’impact des histoires personnelles sur l’infrastructure et témoigne d’une forme de soin.
Cette exposition visibilise les forces de travail souvent occultées de la restauration institutionnelle et y explore le rôle de la nourriture. Il y a lieu de faire recours à l’emblématique madeleine de Proust pour interroger les liens entre le goût, la mémoire et l’identité. La fresque permet l’union des histoires personnelles et collectives tout en mettant en avant la dimension affective et politique de la nourriture. Les recettes de cuisine deviennent des vecteurs de mémoire et de résistance.
*INSTRUCTIONS
Prenez une craie et inscrivez une recette de cuisine dans un carré vert sur le mur.
Choisissez une recette qui a un lien fort à votre histoire personnelle (vos origines, votre famille, une histoire d’amour, ...), vous pouvez ajouter une anecdote (concernant la fabrication, un aliments, un événement, …).
Espace Cery · 2
Hall principal
Route de Cery 60
1008 Prilly
Jusqu’au 8 juin 2025
Ouvert au public en tout temps
Pourquoi le flamant rose perd-il sa couleur ? 3
Monika Emmanuelle Kazi
A Home Care II
Espace Mercerie
Rue Mercerie 22
1003 Lausanne
Du 5 avril au 8 juin 2025
Ouvert tous les samedis
de 11h à 14h
VERNISSAGE
Samedi 5 avril 2025 de 11h à 18h
Performance A Home Care II à 16h
Entrée libre
Pourquoi le flamant rose perd-il sa couleur ? 4
Maude Schneider
L’ivresse de l’excès
Maude Schneider reproduit des aliments en porcelaine, avec humour et un certain sens critique, mettant en avant le caractère insolite de certaines habitudes de consommation.
Prendre soin de sa santé, c’est prendre soin de soi. Les bonbons, les gâteaux ou les chips sont des aliments qui ne sont pas indispensables pour la santé d’un point de vue diététique. Les habitudes alimentaires se forment dès l’enfance et peuvent être comprises sous le prisme de l’âge, du genre, du statut social. Maude Schneider convoque l’excès en variant les échelles ou la quantité. Les aliments sont traités en faisant référence au souvenir, au plaisir ou à la frustration. Un collier de bonbon surdimensionné évoque notre insatiable gourmandise, alors que la glace tombée au sol devient le vestige d’une envie avortée. La porcelaine permet de jouer avec les différentes textures et accentue le festin visuel.
Les magnets « chewing-gums » sont des œuvres en porcelaine offertes aux usagères et usagers de la BiUM. Maude Schneider vend des pièces sur ceraquoi-shop.com par soucis de rendre accessible l’art à toutes et à tous.
Bibliothèque universitaire de médecine
CHUV/BiUM
Chemin des Falaises 2
1005 Lausanne
Jusqu’au 8 juin 2025
Lundi à vendredi de 8h à 22h
Samedi et dimanche de 9h à 21h
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Maude Schneider
Fragments du quotidien suspendu
Maude Schneider produit des objets du quotidien en porcelaine, avec humour et un certain sens critique, mettant en avant le caractère insolite de certaines habitudes de consommation.
Les linges de cuisine, aux motifs à carreaux, sont immédiatement reconnaissables. Ils convoquent les rituels du repas, les gestes ancrés du quotidien, tout en réenchantant ces objets usuels. À travers leur transformation en céramique, ils deviennent à la fois témoins et vestiges d’une mémoire domestique.
« Socks » présente deux chaussettes en porcelaine issues d’une série de 21 paires, chacune décorée de manière unique.
Hôtel des patients
Avenue de Sallaz 8
1005 Lausanne
Jusqu’au 8 juin 2025
Ouvert en tout temps